Il est vrai que les historiens ont souvent cherché en vain une unité à la région administrative créée en 1972. Cette année-là pourrait bien, dans l'avenir, être considérée comme le point de départ des trente honteuses : trois décennies qui ont bouleversé l'héritage culturel plusieurs fois millénaire pour assouvir la soif du libéralisme arrogant. L'unité et la spécificité, il faut les chercher dans les fondamentaux d'une civilisation : le temps et l'espace, c'est-à-dire l'histoire et la géographie. Albert Demangeon, Robert Fossier ou encore Roger Agache ont réalisé des travaux admirables à ce sujet et j'invite tous les Picards à lire ces auteurs. Espace et temps, histoire et géographie, l'habitat traditionnel de chaque région est un merveilleux reflet de l'identité des "pays" qui composent la France, un témoignage incontournable de la rencontre des hommes avec un terroir. Trois décennies (une génération ) ont bouleversé le monde...
Pessimiste, je dirais que le mal est fait : le remembrement a laminé les paysages, les villages picards se sont banalisés, les maisons traditionnelles seront abattues une à une jusqu'à la dernière ou victimes de restaurations désastreuses, les responsables politiques ne jurent que par le développement économique, les grands groupes commerciaux imposent une consommation de masse, mondialisée et uniforme. Il sera bientôt inutile d'aller en vacances ailleurs pour rencontrer une autre culture puisqu'il n'y aura plus qu'une culture unique idolâtrant l'instant présent...
Et pourtant, des hommes résistent. L'optimisme, curieusement, je l'ai trouvé dans l'administration tant décriée par nos concitoyens : le CAUE (Conseil d'architecture, d'urbanisme et d'environnement) , le conseil général, le service départemental de l'architecture ou encore le service régional de l'inventaire ont pris le problème en considération et offrent une information précieuse. Mais qui est au courant ? L'habitant de base n'est pas sensibilisé à la sauvegarde du patrimoine rural. On recherche simplement le cadre agréable et tranquille du village et on y construit un pavillon "passe-partout" issu du catalogue des constructeurs, pestant au passage contre les contraintes qui voudrait imposer des normes traditionnelles.
Je me propose, dans ces pages, de participer à l'information et à la sensibilisation mais chacun doit se sentir responsable de la sauvegarde du patrimoine.