La MEL : une métropole envahissante
Alors que la CCPC à 38, la « Grande Pévèle », peine à faire l’unanimité, certains élus s’interrogent et prévoient déjà la possibilité d’intégrer la Pévèle à la métropole européenne lilloise. Autant de projets qui, à terme, auront des conséquences sur notre vie quotidienne et qui ne donnent lieu à aucun débat citoyen. Les décisions sont prises par les élus sans consultation du peuple. Il est faux de dire comme Thierry Lazaro « que cette intercommunalité à 38 a été adoptée par les deux tiers des habitants ». Ce sont les conseils municipaux déjà élus par une partie des habitants qui ont décidé et les votes ne furent pas unanimes au sein même de ces conseils municipaux. D’autre part, au niveau de la MEL (métropole européenne de Lille), ce sont des conseillers non choisis par le peuple directement (suite à un système complexe) qui siègent pour prendre des décisions qui se répercutent sur une grande partie de l’arrondissement et même au-delà (emploi, transport, asphyxie du territoire, étalement urbain, agriculture, pollution…). Penser comme Luc Monnet que « ce peut-être un élément dopant pour notre territoire, tout en gardant la qualité de vie » est une erreur grave. L’acte III de la décentralisation prévoit que « Les biens et droits à caractère mobilier ou immobilier situés sur le territoire de l’eurométropole ou de la communauté métropolitaine sont mis de plein droit à disposition de l’eurométropole ». Chacun comprend aisément que le poids des grandes communes sera déterminant. Quand Martine Aubry réclamait du foncier pour urbaniser encore davantage, c’est Seclin qui a proposé 130 ha de terres agricoles pour une nouvelle zone d’activités à l’est de l’A1. Des zones d’activités qui s’étendent, provoquent une nouvelle augmentation de circulation et qui demandent de nouvelles infrastructures routières comme l’échangeur de Templemars. (Martine Aubry usant de son influence pour décider le gouvernement). Demain, quand la MEL demandera encore du foncier, la Pévèle qui aurait intégré l’eurométropole serait à coup sûr mise à contribution avec les nouvelles voies routières qu’on nous vendra comme indispensables. Aux équipements démesurés (centre aquatique de Genech, salle de basket surdimensionnée d’Orchies), s’ajoutera demain la perte du caractère rural de la Pévèle… avec l’alibi de l’emploi bien sûr.
Le rouleau compresseur de l’étalement urbain de la métropole est là sous vos yeux. L’avidité de la MEL ne s’arrêtera pas à Seclin. Bruno Bonduelle, patron influent, plaide d’ailleurs pour une métropole s’étendant de Courtrai à Douai et au bassin minier et le think-tank « World forum Lille », forum mondial de l’économie responsable (sic) se félicite de promouvoir « la 15ème métropole européenne avec 1,9 million d'habitants, 1ère ville transfrontalière d'Europe, Lille Métropole, au centre de la zone européenne la plus riche et la plus dynamique : 100 millions de consommateurs dans un rayon de 300 km ». On a bien compris que les consommateurs sont plus importants, à leurs yeux, que les citoyens. On parle d’étalement urbain quand l’espace construit augmente plus vite que la population. Alors que dans la métropole lilloise, le taux d’artificialisation des terres est déjà de 46.1%, la fuite en avant se poursuit. Entre 1999 et 2006, la croissance annuelle moyenne de la population a été de 0.21% par an pendant que l’artificialisation a progressé de 0.62% par an. (Une progression de l’artificialisation supérieure de 200% à la progression de la démographie). Cette consommation de sol, qui a principalement concerné la terre agricole, correspond en grande partie à des lotissements de maisons individuelles, à des zones commerciales ou à des zones d'activités périphériques d'assez faible densité. Si la LMCU s’est saisi du problème, il y a loin entre des souhaits et la réalité. En 2009, le rapport « Faire la ville intense » met le doigt sur les nécessités de maîtriser l’urbanisation (« La ville intense réduit la consommation ou l'artificialisation des terrains aujourd'hui cultivés ou naturels. Elle contribue au maintien de l'activité agricole, elle préserve mieux l'avenir et laisse la place (au sens propre comme au figuré) à un développement plus naturel du territoire. » ou encore « La politique d'urbanisme commercial vise le renforcement de l'offre commerciale dans les centres-villes et dans les quartiers, et sa maîtrise dans les pôles commerciaux périphériques »). Au même moment, Seclin voyait l’extension de la zone Unexpo avec l’arrivée de l’hypermarché Leclerc et de multiples autres enseignes sur des terres agricoles de la périphérie alors qu’un hypermarché important se trouve à moins de 5 km et on s’apprête à artificialiser à nouveau 130 ha entre l’autoroute et l’aéroport de Lesquin. Notons d’ailleurs que la zone commerciale de Seclin Unexpo s’étend sur 58 ha dont 41 ha sont inoccupés et que nombre d’enseignes peinent à survivre.
Evolution de la surface artificialisée de la métropole lilloise (1950-2001)
(source: Schéma directeur de développement et d'urbanisme de Lille Métropole, 2002)
Au rythme actuel d’artificialisation (0.62% par an), il est facile d’imaginer la même carte en 2050…
Cette frénésie d’artificialisation est-elle inévitable ? Elle l’est sans doute dans l’esprit des élus qui ne jure que développement économique, renommée ou encore croissance démographique le tout étant cadenassé par l’alibi de l’emploi. Il faut attirer les entreprises pour donner de l’emploi puis il faut construire des logements pour cette nouvelle population à qui il faut aussi des centres commerciaux facilement accessibles en voiture. Pourtant, l’alibi de l’emploi ne tient pas si on raisonne globalement et dans un esprit de coopération plutôt que dans un esprit de compétition. En effet, les emplois créés ici sont des emplois perdus ailleurs. La métropole n’est pas en manque d’emplois pour ses habitants puisqu’on y comptait 113 emplois pour 100 actifs en 2006. Beaucoup de salariés viennent de l’extérieur, aggravant l’asphyxie routière et la pollution et perdant beaucoup de temps dans les transports. Il est temps de penser mieux le développement et de repenser l’aménagement du territoire en changeant de critères de décisions. Les choix doivent de faire en terme de partage au niveau du développement économique et doivent permettent de rééquilibrer les territoires. Il faut maintenant privilégier les petits centres urbains qui ont la possibilité d’accueillir des zones d’activité et la population correspondante tout en restant à taille humaine et raisonnable. Ainsi, auraient vocation à croître, par exemple, des villes comme Bapaume, St Omer, Hesdin, Avesnes, St Pol, Hazebroucq, Frévent, Fruges, Doullens, etc… Il est temps que le développement soit harmonieux et ne soit plus accaparé par la « mégalopole » sous prétexte que ses élus sont influents de par leur stature nationale tel Pierre Mauroy imposant le carrefour TGV à Lille ou Martine Aubry obtenant l’échangeur de Templemars. Quant aux emplois créés, ils doivent être désormais écologiquement et socialement maîtrisés. Et les emplois créés dans ces zones commerciales démesurées ne le sont pas : employés sous-payés et flexibilisés, transport accru (marchandises, salariés, clients), disparition de bonnes terres agricoles, pollution…) Finalement, que penser d’un grand Lille qui génère 76 milliards de PIB (seconde économie de France après le grand Paris), qui accapare 50% des entreprises de la région et 87% du PIB régional ? N’y a-t-il pas une sorte d’avidité insolente, de croissance démesurée et de développement anarchique ?