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•Une cabane inspirée des cabanes de charbonnier a été reconstituée sur le site de la source
•la haute vallée de l'Aube
•Sur les hauteurs, le plateau de Langres dans toute sa splendeur d'hiver
•La cascade d'Etuf, issue d'un ruisseau affluent de l'Aube
La légende de la cascade d'Etuf
Jadis vivait à Rouvres-Arbot, entre Arc-en-Barrois et Auberive, un pauvre paysan nommé Valentin, près de ses sous, voûté par le travail, et n'ayant en tête que le riche mariage qu'il voulait tirer de sa fille. Toute la semaine, on le voyait trimer, mal rasé, en haillons, plus sale que ses vaches, et s'il buvait un verre à l'auberge, en passant, il en profitait pour se plaindre, et le plus pauvre du village lui aurait bien donné un sou pour qu'il mange un morceau. Mais le soir, après la soupe aux pois qu'il lapait sous la chandelle, la Mélie allait chercher le bas de laine, et tous deux, ils recomptaient pour la centième fois les pièces qui sonnaient. Un soir, Valentin laissa la Mélie aller chauffer le lit, et se remit à compter et à contempler les pièces. Et il se dit comme ça que, cré nom ! ça ne rentrait pas vite ! Les récoltes n'étaient plus ce qu'elles étaient dans l'temps ! Les poules ne pondaient pas, ces vaches-là ! et la gamine avait bien du mal à trouver un mari !
Alors, il décida d'appeler le diable pour savoir si le Malin connaissait un moyen de l'aider. Il l'appelle, il est là. « Tu me demandes, vieux grigou ? Est-ce de l'or qu'il te faut ? J'en ai plein mes coffres... » Le paysan avait fait un saut en arrière en voyant surgir le démon cornu et poilu qui le regardait d'un air malicieux et fascinateur. Ils s'assirent tous deux autour du feu. Valentin ouvrait une bouche comme un four et des yeux comme des lucarnes ; devant lui, inondé des lueurs du brasier, le diable ricanait, en se caressant la barbiche. Satan sortit un parchemin et selon les doléances de Valentin, il notait en écrivant avec du sang ce qui allait être l'enjeu de leur pacte. Valentin voulait bien deux ou trois boeufs, une nouvelle charrette, un cheval, une bonne vache laitière, un époux pour sa fille, et une source dans son pré. Il demanda aussi une récolte superbe, une mauvaise pour son voisin, et des voix aux prochaines élections. Ensuite il se creusa la cervelle pour savoir ce qu'il pourrait offrir au diable en échange. L'autre faillit étrangler de voir autant d'insolence et de naïveté. « Comment ? Mais c'est ton âme que je veux ! Le jour de ton trépas, je serai là, à ton chevet, et je t'emporterai dans mon royaume dès que tes yeux seront fermés ! » Valentin protesta, supplia, discuta. Il voulait bien faire du mal aux autres paysans, donner des cornes au grand Lucien, faire des farces au curé, mais, son âme, pas question ! Il comptait bien l'emmener devant Saint Pierre. Satan se tenait les côtes. Il dut étouffer son rire grinçant pour ne pas réveiller la Mélie qui ronflait à côté. « Tu plaisantes, coquin de croquant ! Moi, je ne prends que les âmes, et j'aurai la tienne ! »
Valentin continua à marchander, et finalement dit au diable qu'il préférait qu'il lui imposât une épreuve en échange de ces biens. « Entendu ! répliqua Satan, tu l'auras voulu ! Je vais aller m'endormir dans ta paille, et avant que le coq ne chante, tu devras vider tout l'étang qui se trouve près d'ici, sur la route de Dancevoir. Travaille bien ! Sinon... C'est ton âme ! » Et sur ce, il s'esquiva. Le pauvre Valentin s'assit, et, la tête dans les mains, se mit à réfléchir. Vider l'étang en une nuit, seul, était impossible... Et pourtant il n'avait pas envie d'envoyer son âme dans la fournaise de ce scélérat. Soudain, il eut une idée. Il courut au poulailler ; les poules dormaient. Soigneusement il tendit des toiles sur les ouvertures afin d'empêcher le jour de passer, et lorsque tout fut voué aux ténèbres, il sortit en se frottant les mains. A nous deux maintenant, semblait-il dire. Il alla se coucher. Le lendemain à l'aube, le coq ne chanta pas.
Alors, Valentin courut dans le village, et demanda à tous les habitants de Rouvres de l'aider à vider l'étang et de jeter l'eau dans la rivière afin de lui donner plus de vie et de gagner un peu de terrain cultivable. Comme il avait la réputation d'être un malin, Valentin fut cru et réunit une centaine d'hommes qui se présentèrent avec leurs seaux. Pendant plusieurs jours ce fut un travail de titan. Les seaux allaient et venaient et l'eau descendait régulièrement. Enfin il n'y eut plus une goutte dans l'étang. Valentin rentra chez lui et retira les toiles qui privaient le coq de la lumière du jour.
Le lendemain il rechanta. Le diable se réveilla, bâilla, s'étira, puis alla trouver le paysan. Lorsque celui-ci lui annonça qu'il était arrivé au bout de son épreuve, Satan crut à une plaisanterie. Finalement il se décida à accompagner Valentin sur les lieux de ses exploits. « Diable ! dit le démon, c'est fantastique ! Comment as-tu fait ? » Valentin expliqua sa ruse et empocha le pacte. Alors le diable, honteux et rageur, se mit à hurler et à taper des pieds dans l'eau qui fuyait en chantant. Enfin, il maudit Valentin et s'enfuit en suivant le cours de l'eau. Ses pieds frappèrent les pierres, laissant de grandes marches sur lesquelles la rivière se mit à sauter en cascade. On dit que sur certains paliers de la cascade d'Etuf, on aperçoit encore les griffes de ses pattes.
•... et l'Aube reprend son chemin vers Auberive